Gratien Gélinas: La
Ferveur et le doute,
Montréal, VLB éditeur, 2009.
Personnage
unique au destin exceptionnel, Gélinas est une figure marquante de
l’histoire
des arts de la scène au Québec. À une époque où le théâtre
québécois restait encore à inventer, il a créé le personnage de
Fridolin, jeune garçon frondeur d’un quartier populaire de Montréal, qui
a attiré les foules pendant dix ans au Monument National. Avec sa pièce
Tit-Coq, l’histoire d’un enfant illégitime à la recherche d’une
identité sociale, Gélinas a posé le premier jalon d’une dramaturgie
nationale, où s’expriment la langue et la culture d’un peuple.
Tout en
rappelant les grands moments de cette aventure, La Ferveur et le
Doute s’attache aussi à raconter l’histoire d’un homme qui s’est
débattu toute sa vie contre l’angoisse, le silence et la honte,
conséquences d’une enfance difficile. Néanmoins, Gélinas poursuit son
grand rêve en écrivant Bousille et les justes, et en devenant directeur
d’un théâtre, la Comédie Canadienne, où dramaturges et chansonniers se
succèdent pendant une douzaine d’années. Mais la génération de la
Révolution tranquille en fait une statue antique à déboulonner, et
Gélinas lutte pour conserver le grand amour de sa vie, celui du public…
Extrait
Dans son
agenda, au jour du 27 mai 1937, Gratien consigne quatre mots où
se devine l’allégresse : « Nous sommes en vacances ! ». Il vient
de signer un contrat pour une émission radiophonique estivale du
même nom. Gratien se doute-t-il qu’il s’agit pour lui d’un
moment plein de conséquences ? Cette série est la première étape
d’une rapide transformation, celle qui le fera passer de
monologuiste de salle paroissiale à vedette incontestée des
ondes et de la scène.
Le 11 juin à 20 heures, Gratien entre dans la peau de Gustave,
le « chimiste à la créosote », à l’antenne de Nous sommes en
vacances. L’émission est conçue et dirigée par Lionel
Daunais, comédien mais surtout musicien et chanteur ; il a fondé
avec Charles Goulet, en 1936, Les Variétés lyriques, qui feront
les beaux jours de Montréal pendant vingt ans. Le scripteur est
Claude Robillard. Auteur d’un roman et d’une comédie musicale,
il a collaboré à plusieurs revues Bleu et Or (produites
annuellement par les étudiants de l’Université de Montréal) et
émissions de radio.
Les vacances en question, ce sont celles d’un groupe d’étudiants
joués par Louis Lapointe, Bernard Hogue (tous deux furent aussi
vedettes des revues Bleu et Or), Guy Carmel, Olivette Thibault
et Gratien. Ce groupe d’amis, au surnom de « La malchanterie des
Petits chanteurs à la voix de bois » part sur les routes au
volant d’Adélaïde, « une magnifique automobile que Daunais a
payée trente dollars, permis compris ».
Le 27 juin, Louis Morisset rapporte dans Le Petit Journal :
Adélaïde, la bagnole des interprètes du
programme, ne va pas bien du tout. Elle se remet difficilement,
me dit-on, d’un rhume qu’elle a contracté dans la cour humide où
on la remise. Elle toussote surtout au départ. Lionel Daunais
espère qu’un séjour au lac Alouette remettra sur ses quatre
roues la brave voiture. À ce programme qui semble devenir de
plus en plus populaire à mesure que chacun des personnages est
mieux connu des radiophiles, Maurice Meerte et son orchestre
fournissent des intermèdes qu’il convient d’appeler musicaux.
L’émission permet sans doute à Gratien d’ébaucher son
personnage de jeune garçon à l’esprit déluré, et surtout lui
procure une bonne visibilité. Il « passe » à la radio, le public
l’aime. Les vacances radiophoniques se terminent à la fin du
mois d’août mais déjà, le nom de Gratien est sur les lèvres pour
une autre émission. Le propriétaire des magasins de meubles N.
G. Valiquette cherche un comique pour l’automne, en remplacement
de l’artiste Ernest Loiselle qui ne peut plus continuer. « M.
Langevin, relate Gratien, m’avait entendu à trois ou quatre
reprises donner des monologues, comme au Cercle universitaire
dont il était membre. » De plus, Loiselle connaît bien Gratien ;
ils ont animé deux croisières de La Sauvegarde ensemble.
Ainsi, le 19 septembre, Le Petit Journal annonce :
Une importante firme montréalaise et
canadienne-française vient de grouper autour de Gratien Gélinas
et d’autres artistes très en vedette, un personnel de premier
ordre qui se fera entendre dans le programme intitulé Le
Carrousel de la Gaieté. La fantaisie si actuelle de Gélinas,
la tenue de tous les artistes qui l’accompagneront, l’ensemble
du programme, la musique, les chansons, bref, l’allure générale
de cette innovation radiophonique vont enfin permettre au public
de se délasser de façon différente. La radio ne sera plus la
corvée tolérée mais un amusement, une véritable récréation où
l’art et l’esprit bien français s’associeront pour former un
tout homogène, exempt de tout critique. Ce nouveau programme
tout à fait exclusif sera lancé dans l’air le jeudi 23
septembre.
Page
web du livre chez VLB éditeur
Gratien Gélinas: Un p’tit comique à la stature de géant,
Montréal, VLB
éditeur, 2009.
Gratien Gélinas fut le Roi des Amuseurs, mais un
homme au cœur fragile. Il fut l’enfant-chéri des foules, mais un homme
en manque perpétuel d’applaudissements. Pour le dire en deux mots : un
véritable artiste! Cet homme, qui fut aussi mon grand-père, je vous le
présente en images. Pour célébrer le centième anniversaire de sa
naissance, j’ai eu envie de mettre sa vie sous vos yeux. Il mérite toute
notre attention, non seulement à cause des œuvres qu’il nous a léguées,
mais aussi parce que de Saint-Tite à Broadway, son existence fut une
fabuleuse odyssée!
Page web du livre chez VLB éditeur
Gratien Gélinas: Du naïf Fridolin à l’ombrageux Tit-Coq,
Montréal,
collection Les Grandes Figures, XYZ éditeur, 2001.
Extrait
Gratien et Simone se
fréquentent depuis six mois. Ils ont connu quelques orages ;
Gratien est parfois impulsif et exigeant. Et puis, aucun des
deux n’a l’habitude de l’amour. Ils s’en font pour des
peccadilles et imaginent souvent chez l’autre des intentions qui
n’ont jamais existé. Gratien s’impatiente devant l’apparente
froideur de Simone. La jeune fille de dix-neuf ans sais qu’elle
est «excessivement concentrée», comme elle le lui a écrit un
jour. Voilà pourquoi l’âme de feu de Gratien la réchauffe, et
pourquoi elle admire tant sa passion pour le théâtre.
Souvent, les
soirs de veillées, il récite des monologues devant la famille
Lalonde. Ce sont parfois des poèmes épiques qu’il déclame, la
main sur le cœur. Ou, parfois, des histoires franchement drôles
qu’il raconte avec un style enfantin, d’une voix monocorde qui
met en joie les jeunes sœurs de Simone. Gratien a fondé, avec
des amis, une troupe de théâtre amateur, Les Anciens du Collège
de Montréal. La semaine précédente, le 5 mai 1931, la troupe
donnait son deuxième spectacle, une pièce intitulée Les
petits oiseaux, et Simone a eu la permission d’y assister.
La mère de
Gratien, Genèva Gélinas, y était aussi. C’est une maîtresse
femme, petite et plantureuse, bien habillée et d’un port très
digne. Elles ont regardé le spectacle ensemble et, pendant
l’entracte, Simone a été impressionnée de voir à quel point
Genèva semblait à l’aise en société, ayant de bons mots pour
chacun, et prompte à louanger le jeu de son fils qui se
spécialise dans des rôles de composition de «vieux», comme il
dit. C’est qu’il n’a pas le physique d’un jeune premier. Il est
petit de taille, très mince, et son visage n’est pas harmonieux.
Il a le menton pointu, une grande bouche, des sourcils épais et
fortement arqués.
—Et alors,
Simone ? Tu es partie si vite, l’autre soir après la
représentation. C’est vrai, tout ce que tu m’as écrit ?
Page web du livre aux Éditions XYZ
Site
officiel des Productions Gratien Gélinas :
www.gratiengelinas.com
Prenez
place!
Gratien Gélinas à BANC :
www.collectionscanada.qc.ca/gratien/002003-1019-f.htm
Gratien
Gélinas à BANQ : fonds Gratien Gélinas, MSS459; fonds Comédie
Canadienne, MSS461.
Un documentaire, Un géant aux pieds d’argile, a été réalisé par
Pascal Gélinas :
http://www.informactionfilms.com/fr/productions/gratien-gelinas-un-geant-aux-pieds-dargile.php |
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