Il y a surenchère dans l’utilisation du mot
« terrorisme ». Pour contrer l’ahurissant caquetage
diffusé par le fil des nouvelles publiques, j’ai
ressenti le besoin d’en vérifier la définition et
surtout la provenance. La plupart des mots, surtout ceux
qui ont été créés au cours des derniers siècles, étaient
chargés de sens au moment de leur apparition. Ils sont
les témoins de l’histoire, allant jusqu’à être le reflet
d’antagonismes, de préjugés et même d’efforts de
propagande. Le mot « terrorisme » est exemplaire à cet
égard. Loin de remonter à la nuit des temps comme je le
croyais, son origine est beaucoup plus récente : à peine
plus de deux siècles.
C’est au sein de la nation française, alors secouée par
une révolution qui va ébranler le monde, que le mot voit
le jour. La Révolution française, officiellement
commencée en 1789 par la prise de la Bastille, est
truffée de soubresauts épiques, mettant à rude épreuve
les hommes et les femmes qui l’incarnent. À partir de la
fin de l’été 1792, un gouvernement révolutionnaire
manifestement harassé durcit le contrôle législatif et
simplifie à outrance le système de justice. Pendant les
deux années suivantes, des « tribunaux du peuple »
condamnent à
mort 16 594 prisonniers, selon les chiffres officiels.
Bon nombre de ces exécutions sommaires ont lieu dans les
régions françaises en guerre civile, telle la Vendée.
Parmi les victimes se trouvent des prêtres refusant de
prêter serment au nouveau régime constitutionnel, des
aristocrates ainsi que le couple royal, Louis Seize et
Marie-Antoinette.
Aussitôt révolues dès
la chute de Robespierre, ces pénibles années de la
Révolution française ont été surnommées « Terreur ».
Selon le Larousse, celle-ci qualifie le « procédé
politique » regroupant l’ensemble des mesures
d’exception prises par le gouvernement révolutionnaire;
puis, en corollaire, la « peur collective qu’on fait
régner dans une population, un groupe pour briser sa
résistance ». Le mot « terrorisme » en est issu. De
celui-ci, le Dictionnaire général de la langue française
au Canada (Bélisle 1954) donne cette définition :
« Système de la terreur, pendant la révolution
française. État de terreur instauré en vue de soumettre
les populations à un régime politique. Moyen
d’opposition à un régime de gouvernement qui consiste à
répandre la terreur. »
Le « terrorisme »,
selon sa signification première, vise un gouvernement en
place, un régime politique, dans ce cas-ci une monarchie
absolue remplacée par un régime parlementaire. Plus
tard, ce mot englobera « l’ensemble des actes de
violence (attentats individuels ou collectifs,
destructions) qu’une organisation politique exécute pour
impressionner la population et créer un climat
d’insécurité » (Petit Robert). Aujourd’hui, quiconque
commet un acte de violence préméditée contre un groupe
et même contre un individu, un acte qui ne semble motivé
que par la démence ou la haine, est qualifié de
terroriste. À ce compte, la violence conjugale
serait-elle du terrorisme? Et que dire de l’intimidation
conduisant au suicide de la victime?
Ce retour sur la
naissance sémantique du terrorisme m’amène vers d’autres
réflexions. La Révolution française est loin d’être la
première manifestation de l’utilisation de la terreur
pour mieux oppresser. Depuis des millénaires et les
premières monarchies de droit divin tels les Pharaons
d’Égypte, la peur fait partie de l’arsenal de l’Exécutif
gouvernemental afin de régner sans opposition, y compris
auprès des populations conquises par la force des armes.
Les habitants du Canada l’ont intimement vécu. Déjà, ils
avaient souffert de mépris de justice à l’époque de la
Nouvelle-France, sous l’autorité d’un roi absolutiste
qui était pourtant leur Majesté en bonne et due forme.
Au moment de la Conquête par la Grande-Bretagne, en
1760, leur sort s’est détérioré, notamment parce que les
conquérants pouvaient utiliser l’arme des préjugés
ethniques pour mieux subjuguer.
Sous la « domination »
britannique, les habitants du Canada (le Québec et les
Maritimes actuels) ont enduré plusieurs épisodes de
terreur de la part du gouverneur en titre et du
gouvernement exécutif qui l’entourait. Arrestations
arbitraires, assassinats et réquisitions de biens ont
été les armes de prédilection des favoris du régime.
Pendant la trentaine d’années entre la Conquête et la
Révolution française, les Canadiens ont amèrement
supporté plusieurs vagues de terrorisme « légal », un
terrorisme légitimé par un clergé catholique très
attaché à l’institution monarchique, un terrorisme qui
n’a pas été investigué à sa pleine mesure par les
historiens.
Pourtant, ce n’est
qu’au moment de la Révolution française que ce mot a été
inventé ou du moins popularisé, de surcroît par les
détracteurs de ce chambardement politique. Imaginons,
par contre, que des Canadiens l’aient utilisé dès l’orée
de la « domination anglaise » pour qualifier les excès
du régime en place, puis que des éditeurs de gazettes
l’aient imprimé noir sur blanc : ils auraient risqué,
pour le moins, d’être poursuivis en justice pour libelle
diffamatoire contre Sa Majesté d’Angleterre. Ils
auraient même risqué des accusations de sédition ou de
haute trahison, arme suprême que l’Exécutif colonial n’a
pas hésité à utiliser à partir du règne du gouverneur
Haldimand, nommé à ce poste en 1778. Alors oui, le sort
réservé au mot « terrorisme » depuis deux siècles est
lourd de sens…
Le 2
février 2017 |
« Dès
les premières lignes, préambule compris, notre intérêt
monte en crescendo et, page après page, c’est un pur
plaisir de lecture doublé d’un réel enchantement pour
les yeux, car l’auteure a agrémenté son bouquin de
cartes géographiques, extraits de lettres, documents et
par-dessus tout d’un bon nombre de toiles et dessins
d’artistes de l’époque. »
http://baladeschezsue.blogspot.ca,
19 juillet 2016
« Les
personnages autant que les scènes militaires sont
particulièrement évocateurs. Ils mêlent la beauté
insouciante de la nature à une lourde atmosphère
d’intolérance et d’oppression. » Michel Lapierre, Le
Devoir, 19 juin 2016
« Ce
gros pavé se feuillette avec un rare bonheur. C’est un
fabuleux devoir de mémoire qui devrait être sur les
rayonnages de toutes les bibliothèques scolaires. »
Culture Hebdo, 21 mai 2016.
« À
considérer dès maintenant comme une référence
incontournable, poussée, qui nous permet de mieux
comprendre les grands enjeux, fort complexes, de cette
rébellion. »
Jean-Philip Guy, Les Libraires, juin 2016. |