Anne-Marie vous pique une jasette...
L’aventure de
Catherine aux cinq maris
a débuté lorsqu’une pépite d’information déconcertante
s’est présentée sous mes yeux. J’étais en plein cœur de
ma recherche sur le Québec sous la domination
britannique pour l’écriture de la biographie
Papineau l’incorruptible.
Son fils aîné Amédée, chroniqueur prolifique, écrivait
ceci au sujet de l’arrière-grand-mère de son père :
« Catherine Quevillon, native de la Rivière-des-Prairies,
où son père et deux de ses oncles furent massacrés par
les Iroquois dans une de leurs incursions. Elle n’avait
alors que 7 ans. Les Sauvages l’emmenèrent avec eux, la
traitèrent bien et même l’adoptèrent. La paix ayant été
conclue, quelques-uns de ces Sauvages vinrent à Montréal
et y emmenèrent la petite Quevillon, âgée de 13 ans.
Elle fut reconnue et cachée jusqu’au départ des Sauvages
qui, après l’avoir cherchée par toute la ville,
partirent très mécontents, car ils l’aimaient
sincèrement. »
Aussitôt, ma curiosité a été titillée. Il y avait là de
quoi nuancer un récit historique centré sur les jésuites
martyrisés et sur une violence autochtone débridée… En
fouillant d’avantage, j’ai trié le bon grain de l’ivraie
concernant les rares informations véhiculées par la
chronique familiale : en réalité, Catherine a été faite
« prisonnière » en même temps que l’une de ses sœurs et
que sa mère Jeanne Hunault. Par mes recherches
subséquentes, j’ai vu à quel point la capture et
l’intégration dans une nouvelle communauté étaient
monnaie courante, ce qui éclaire singulièrement un
aspect méconnu, du moins dans ses conséquences
socio-culturelles, de l’histoire de la Nouvelle-France
et de l’Amérique tout entière.
Les parcours de Catherine et de ses proches humanisent
un pan de l’histoire de mieux en mieux étayé par la
nouvelle recherche historique. Ayant vécu quelques
années au sein de l’une ou l’autre des nations
iroquoises après leur « capture », Catherine et sa mère
sont rentrées chez elles pour y poursuivre leur vie.
Quant à la sœur de Catherine, Angélique, on a perdu sa
trace… Quel a été l’impact de ce mélange
politico-culturel sur leur propre vie et, plus
largement, sur la société canadienne-française? C’est le
territoire que j’ai pris un très grand plaisir à
explorer par le biais du roman historique.
Mon héroïne coule des jours heureux au sein de son clan
de la nation iroquoise d’Amérique. En couple avec un
jeune chasseur et mère d’une fillette, elle s’épanouit
au point de résister au désir de sa mère biologique de
la voir revenir dans la colonie. Or, des négociations de
paix ébranlent sa détermination. L’autorité fait appel à
la raison d’État pour l’obliger, par l’intermédiaire du
charismatique Paul Lemoyne de Maricourt, à réintégrer
son milieu d’origine. Déchirée entre la bonté du peuple
de la Pierre-Debout et son allégeance à sa famille
française, Catherine chemine sur le fragile équilibre de
son histoire métissée.
Le 26 mars 2025
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