Combattre les privilèges, le
despotisme et l’arrogance : voilà le féminisme tel qu’il
s’est construit au cours des derniers siècles du second
millénaire de notre ère. Le féminisme est un combat
collectif pour la justice sociale, l’équité et la
dignité, au même titre que celui mené par certaines
classes d’hommes afin d’affirmer l’égalité intrinsèque
de chacun d’entre eux. Ces hommes remettaient en
question les privilèges que s’étaient arrogés des mâles
regroupés en castes fermées, des apanages qui leur
donnaient le droit de régner arbitrairement sur
l’ensemble de leurs semblables, le droit de retirer à
ces derniers une portion de leur liberté individuelle,
le droit de les faire souffrir en toute impunité.
Partout en Occident, des démocrates
ont cherché, parfois au péril de leurs vies, à instaurer
le principe de l’égalité fondamentale des hommes entre
eux. De surcroît, ils étaient persuadés que seule la
collégialité, au moyen de débats et d’échanges de vues,
permettait de définir une action qui convenait au plus
grand nombre. Ils ont soutenu des institutions mettant
ce principe d’impartialité en pratique : le procès par
jury, par exemple, de même que l’institution suprême, un
parlement. En cours de route vers la mise à effet de la
régénération sociale qu’ils avaient en vue, ils ont
cependant fait fi de la moitié de l’humanité : leurs
mères, sœurs, épouses et filles.
En Occident, des interdits pèsent sur
les femmes depuis des millénaires. Pour toutes sortes de
raisons dont celle de contrôler leur descendance, les
hommes ont eu tendance à considérer les femmes comme
leur propriété personnelle. De par leur sexe, celles-ci
étaient rangées dans le vaste groupe des êtres humains
mis en tutelle selon divers critères de race, de statut
social et même de religion. Car tous les êtres
« déclassés » devaient supporter une sujétion
prétendument voulue par Dieu lui-même. J’en suis venue à
croire que le principe religieux n’a été créé et mis au
monde que pour justifier la ségrégation. N’est-il pas
exclusif par essence? Ne donne-t-il pas préséance et
prérogative au groupe des croyants, au détriment des
autres?
Chose certaine, c’est grâce aux
évêques et aux papes si la sujétion d’une foule d’êtres
humains, y compris l’ensemble de la gent féminine, est
devenue un dogme indiscutable dans toute la
chrétienté... et même, il me semble, dans la plupart des
autres Églises du globe. En Occident, il a fallu
renverser de tels dogmes pour proclamer l’égalité des
hommes entre eux. Les règnes monarchiques despotiques
qui se sont édifiés en Europe n’auraient pu durer aussi
longtemps, sans la puissance de censément divine à leurs
côtés. S’il a fallu des siècles pour remplacer la
royauté par le parlementarisme, c’est que le réel ennemi
à détrôner était un haut clergé qui ne se privait pas, à
une époque où l’athéisme était un crime, de jeter
l’anathème sur les fidèles.
Les Églises et le terrifiant pouvoir
dictatorial de leurs chefs suprêmes ont servi à
cautionner l’asservissement d’une bonne portion de
l’humanité, et en premier lieu, celui des femmes. Il
faut plonger dans l’histoire pour comprendre à quel
point la quête des droits et libertés a été épique,
héroïque même, pour la gent masculine; celle qui a fini
par s’enclencher pour conférer les mêmes avantages aux
femmes l’a été encore davantage. Dans tous les cas, il
fallait se battre contre les pseudos préceptes de
l’Ordonnateur du monde. Concernant la position des
femmes dans la société, cependant, ces préceptes étaient
littéralement primordiaux et vitaux pour les hommes
d’Église. L’immixtion de ces derniers dans la gestion
des affaires de l’État explique la résistance, au Québec
notamment, à conférer l’égalité des droits aux femmes.
Dans ce contexte, les femmes devaient
se regrouper non seulement pour militer efficacement,
mais pour se protéger personnellement des réactions
adverses qui n’allaient pas manquer de survenir. C’est
ce qu’elles ont fait, surtout à partir du 19e siècle.
Tel qu’il s’est construit, leur féminisme est devenu
l’un des importants mouvements sociaux visant à
combattre les pires interdits et préjugés qui ont trop
longtemps miné le « vivre ensemble ». Afin de
s’émanciper, tous les groupes sociaux mis en état
d’infériorité ont dû faire semblable démarche. C’est
donc avec une immense fierté que je m’inclus dans le
large groupe des féministes, comme je m’inclus dans
celui des démocrates, des défenseurs de l’égalité et de
l’équité entre tous les humains. Me qualifier moi-même
de féministe, c’est refuser d’intérioriser les insultes
séculaires, si souvent et si furieusement lancées contre
celles et ceux qui dénoncent et qui réclament.
Le 8 mars 2016 |
La fresque
romanesque patriote d’Anne-Marie Sicotte se décline en
deux cycles qui comportent deux tomes chacun. Le premier
cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les
chevaliers de la croix et Rue du Sang. Le
second cycle, soit Les tuques bleues, comprend
Le charivari de la liberté et Le règne de la
canaille. Les deux cycles peuvent se lire
indépendamment l’un de l’autre, même si le second
constitue la suite du premier, avec la même galerie de
personnages et un récit qui poursuit son cours.
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