La
liberté de presse précède toutes les autres et préside à
toutes les autres, ai-je lu quelque part dans la
somme documentaire accumulée sur le Bas-Canada à
l’époque des Rébellions. C’est une tuque bleue qui écrit
ainsi, un témoin de l’incroyable persécution de la
presse patriote entre 1837 et 1839. Cet aspect de la
question n’a que très peu été fouillé, comme bien
d’autres d’importance. Pourtant, il suffit de lever un
pan du voile pour voir clairement les scellés apposés
aux gazettes n’étant pas à la solde du gouvernement
local.
La répression est systématique et assumée. Une
grande part de responsabilité dans la guerre civile est
mise entre les mains des imprimeurs et nouvellistes qui
prennent un malin plaisir, dit-on, à disséminer des
doctrines infâmantes qui soulèvent le bon peuple en
masse. Après la seconde Rébellion, bien peu de vérités
sont bonnes à dire, et surtout pas celles qui
discréditent les responsables de la terreur militaire.
Ce serait jeter de nouveaux germes de sédition, ce
serait causer une « excitation politique injurieuse au
gouvernement », selon la formule ironique du rédacteur
de L’Aurore des Canadas, le 20 septembre 1839.
À partir de novembre 1837, date où le
propriétaire de La Minerve doit fuir aux États-Unis sous
peine d’être emprisonné pour haute trahison, les
papiers-nouvelles indépendants sont châtiés à
répétition. Au début, les représentants de l’autorité
s’évertuent à donner aux poursuites quelque semblant de
formalité, ce qui est vitement jugé superflu. François
Lemaître, imprimeur du Libéral à Québec, puis de La
Quotidienne à Montréal, est jeté derrière les barreaux.
En 1839, l’imprimeur et le rédacteur de L’Aurore des
Canadas, à Montréal, comme ceux du Canadien, à Québec,
passent plusieurs semaines en prison. Sans oublier le
responsable d’une gazette de Stanstead, dans les Cantons
de l’Est, jugée dangereuse pour la sécurité de l’État.
On se saisit des hommes, mais également des
presses et de tout le matériel d’imprimerie, mis à
l’ombre des voûtes du Palais de justice. Une fois
libérés, leurs propriétaires ont toutes les misères du
monde à se faire remettre leur dû. Or, les presses sont
introuvables en Bas-Canada. Il faudrait aller en acheter
aux États-Unis, mais la frontière est gardée et les
passeports, distribués très parcimonieusement. Ce n’est
qu’au départ de sir John Colborne, en septembre 1839,
que le climat se bonifie soudainement. Comme si, le
diable étant parti, les valets ne pouvaient plus giguer…
Le 26 janvier 2015
En direct du passé
« Que dirait-on en Angleterre, si l'on prouvait qu'il
n'y a point eu de révolte, comme on l'a dit partout sur
toutes les gazettes, et dans le parlement impérial et
dans des actes publics, que le peuple n'a fait que se
défendre et n'avait pas l'alternative de l'attaque? Où
en serait l'honneur de l'armée anglaise, si l'on
dévoilait les actes infâmes dont les troupes se sont
rendues coupables? Pour tous les couvrir de confusion,
il n'y a qu'à dérouler tous leurs actes, depuis l'infâme
guet-apens où les Fils de la Liberté sont imprudemment
tombés, jusqu'au sac de Saint-Eustache et de
Saint-Benoît... Mais rien de bien circonstancié n'a
encore paru. Les Cannibales! Ils ont réussi à étouffer
jusqu'aux cris de leurs victimes! Et puis le pillage du
Libéral, du Vindicator, la saisie de La Minerve;
n'ont-ils pas encore saisi toutes les presses et
emprisonné tous ceux qui voulaient le moindrement
récriminer? Bouchette, Lemaître, Gérard, Boucher ne
sont-ils pas en prison, et les presses des deux seconds,
ne sont-elles pas à la police? »
Jean-Joseph Girouard à Augustin-Norbert Morin, 27 avril
1838, cité dans l’ouvrage Au Pied-du-Courant. |
La fresque romanesque
patriote que je signe actuellement se décline en deux
cycles qui, au final, comporteront deux tomes chacun. Le
premier cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les
chevaliers de la croix et Rue du Sang; il est publié par VLB éditeur. Le second cycle aux Éditions Fides,
intitulé Les tuques bleues, s’ouvre avec Le charivari de
la liberté; le deuxième et dernier tome est à venir. Le
charivari de la liberté a été écrit de manière à se lire
indépendamment du cycle qui précède, même s’il en
constitue la suite, avec la même galerie de personnages
et un récit qui poursuit son cours. N’hésitez pas à
plonger dans l’univers du Charivari, quitte à revenir
par après au Pays insoumis, là où les personnages
principaux amorcent leur destinée tout en prenant la
mesure d’un pays souillé par l’arbitraire et le mépris
de justice. |