Du jamais vu, dites-vous, que la floraison de primevères
ou de violettes à l’orée de l’hiver québécois? Des
records « historiques » de chaleur? S’il faut se méfier
de certains raccourcis de l’histoire, c’est bien en
météorologie. Et en plein d’autres domaines, mais ça,
c’est une autre question. Pour l’instant, laissez-moi
plonger au-delà des températures enregistrées et
comptabilisées, au-delà de la courte mémoire de quelques
générations successive, afin de vous prouver que les
variations climatiques prononcées ne datent pas d’hier.
À mon avis, les soubresauts de la température, tout
spectaculaires qu’ils soient, ne devraient pas
monopoliser notre attention au détriment de bien
d’autres manifestations, très inquiétantes, de pollution
chimique.
Il y a plus d’un siècle et demi, l’hiver 1847-1848 a
défrayé les conversations, y compris dans Les
Accoucheuses : La fierté (tome 1). Alors, la température
est anormalement douce et les voitures circulent comme à
la belle saison. Le temps des fêtes se déroule dans une
atmosphère étrange et déroutante suscitée par le paysage
insolite : champs complètement dénudés et eaux libres de
glace. Ce redoux se poursuit pendant les deux premières
semaines de janvier : les abats de pluie se succèdent,
les arbres bourgeonnent et des habitants labourent.
Tombées des plants durant l’été, des graines de laitue
germent dans les potagers, offrant même une modeste
récolte.
Une décennie plus tôt, c’est plutôt la fraîcheur de la
belle saison qui suscite des inquiétudes, ainsi que je
le raconte dans Les tuques bleues : Le charivari de la
liberté (tome 1). Le mauvais temps, accompagné de fortes
pluies, provoque une crue des eaux, en particulier
celles du Nord, « descendues cette année en plus grande
abondance ». Le 25 mai, « l’herbe est encore jaune et ne
suffit pas pour la nourriture des animaux. » Presque
personne n’a semé encore; ceux qui l’ont osé ont vu
leurs champs inondés. « Les places basses et
particulièrement les îles sont submergées. Tous les
grains semés en ces endroits ainsi que les jardinages
sont perdus. » Le journaliste de La Minerve raconte que
16 000 billots de bois de pin appartenant à Barthélémy
Joliette, retenus en haut de ses moulins, ont été
entraînés par les courants. Les moulins mêmes auraient
été infailliblement emportés, si les chaînes qui
retenaient les billots ne se fussent rompues. »
D’emblée, ce printemps 1837 avait été remarquable pour
une spectaculaire débâcle du fleuve Saint-Laurent. La
Minerve, 17 avril 1837 : « Nos quais sont encombrés de
montagnes de glace qui s’étendent depuis la place de
l’ancien marché jusqu’à la brasserie de Molson, et à
plusieurs arpents au large dans le fleuve. Notre port ne
sera pas accessible aux vaisseaux de sitôt, à moins que
la crue des eaux et un fort vent du sud-ouest ne fassent
partir cette masse de glaces qui est attachée aux
battures. »
Cette débâcle, catastrophique pour les installations
portuaires montréalaises, semblait une sinistre
répétition de l’année précédente. Deux jours plus tôt,
rapporte La Minerve du 28 avril 1836, un amas de glace
descendante, freiné par l’embâcle au bas de la ville,
commence « à s’élever sur elle-même et à se répandre sur
les quais avec une force et une rapidité étonnante.
Bientôt elle s’éleva à l’égalité des édifices, et elle
alla frapper contre plusieurs bâtisses qu’elle ensevelit
bientôt. » Un hangar est renversé; la façade d’une voûte
est abattue; une distillerie devient un monceau de
ruines. « Ce qu’il y a de plus triste, c’est qu’une
petite maison adjoignant la distillerie, occupée par un
tonnelier du nom de White, a été aussi abimée sous les
glaces. Lui, sa femme et deux enfants se trouvaient dans
la maison et ils ont été les victimes de ce funeste
accident. »
Une vingtaine d’années plus tôt encore, en octobre 1811,
Louis-Joseph Papineau relate les dommages causés par la
violence du vent. « Partout des granges culbutées, mais
le plus mal est à la nouvelle église de Longueuil. Le
comble et la couverture, le portail, un des pans de la
nef et l'une des chapelles ont été culbutés: voilà le
premier malheur; le second sera le procès qu'il
occasionnera. (...) le vent n'a agi avant tant de force
parce qu'ayant couvert tout le reste de l'église, les
charpentiers ont eu l'inconcevable négligence de laisser
une travée entière ouverte, ce qui a occasionné toute la
débâcle. »
le 29 décembre 2015
Les Accoucheuses : La fierté (tome
1) : extrait
Flavie assiste à une conférence sur l’hygiène donnée par
le Dr Leprohon à l’automne 1847, à l’Institut canadien
de Montréal.
Au Bas-Canada, la disposition particulière du sol, de
la forme d’un vaste plateau dominant de plusieurs
centaines de pieds le niveau de la mer, permet au soleil
d’évaporer les eaux surabondantes et malsaines,
entraînant l’assainissement général de tous les points
du sol. La salubrité du climat canadien, poursuit-il,
est encore davantage favorisée par les grands vents qui
chassent les miasmes et les émanations des grandes
villes ainsi que par le mouvement de l’air au-dessus des
fleuves larges et rapides, qui détermine un mouvement
continu de renouvellement.
–Si le Canadien dans les campagnes jouit d’une santé si
parfaite et atteint une vieillesse avancée, exempte
d’une foule d’infirmités qui sévissent dans les villes,
s’il jouit d’une charpente en état de lui faire
supporter les travaux les plus rudes, c’est grâce au
froid, à cette température glaciale qui lui inspire du
goût pour le travail, qui l’engage à retremper sa
vigueur physique à l’aide d’exercices violents. En
somme, quelle que soit la sévérité de notre hiver,
quelques bonnes que soient les raisons données pour
expliquer ce phénomène, qu’il se rapporte à l’influence
des montagnes qui nous adossent au pôle glacial, à
l’élévation du sol canadien, à un ciel toujours pur
rarement chargé de vapeurs ou encore à la direction des
vents du nord au sud, traversant des mers toujours
glacées, le froid n’en rend pas moins le climat salubre
et délicieux, et par conséquent nous rattache davantage
au pays.
(...) Se rappelant la conférence sur l’hygiène du
docteur Leprohon, Flavie s’empresse d’informer son
grand-père que le climat est en train de se réchauffer.
Les hivers ne sont plus aussi rigoureux qu’autrefois à
cause du déboisement et, lui affirme-t-elle, les
changements deviennent plus sensibles chaque année. Les
chaleurs de l’été sont plus constantes et les froids de
l’hiver, plus modérés, entraînant des chutes de neige
moins abondantes.
–Mais le docteur était bien persuadé que ces changements
constituent une amélioration. Dans certaines parties
trop humides du pays, les fièvres endémiques ont
tendance à disparaître. D’après lui, le climat du pays
exerce même une influence salutaire sur la santé
générale : il provoque dans l’organisme une grande
élasticité des tissus. Les extrêmes de température sont
supportés sans peine et favorisent, chez le Canadien, un
tempérament bilieux et nerveux, qui indique une santé
robuste.
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La fresque
romanesque patriote d’Anne-Marie Sicotte se décline en
deux cycles qui comportent deux tomes chacun. Le premier
cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les
chevaliers de la croix et Rue du Sang. Le
second cycle, soit Les tuques bleues, comprend
Le charivari de la liberté et Le règne de la
canaille. Les deux cycles peuvent se lire
indépendamment l’un de l’autre, même si le second
constitue la suite du premier, avec la même galerie de
personnages et un récit qui poursuit son cours.
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