Les accoucheuses
-1: La fierté -
-2: La révolte -
-3: La déroute -

Histoire inédite des Patriotes

Le pays insoumis

Les tuques bleues

Autres roman et nouvelles

Gratien Gélinas

Marie Gérin-Lajoie

Études historiques

 

À lire:
Jasettes archivées

 

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Anne-Marie vous pique une jasette…

Du jamais vu, dites-vous, que la floraison de primevères ou de violettes à l’orée de l’hiver québécois? Des records « historiques » de chaleur? S’il faut se méfier de certains raccourcis de l’histoire, c’est bien en météorologie. Et en plein d’autres domaines, mais ça, c’est une autre question. Pour l’instant, laissez-moi plonger au-delà des températures enregistrées et comptabilisées, au-delà de la courte mémoire de quelques générations successive, afin de vous prouver que les variations climatiques prononcées ne datent pas d’hier. À mon avis, les soubresauts de la température, tout spectaculaires qu’ils soient, ne devraient pas monopoliser notre attention au détriment de bien d’autres manifestations, très inquiétantes, de pollution chimique.

Il y a plus d’un siècle et demi, l’hiver 1847-1848 a défrayé les conversations, y compris dans Les Accoucheuses : La fierté (tome 1). Alors, la température est anormalement douce et les voitures circulent comme à la belle saison. Le temps des fêtes se déroule dans une atmosphère étrange et déroutante suscitée par le paysage insolite : champs complètement dénudés et eaux libres de glace. Ce redoux se poursuit pendant les deux premières semaines de janvier : les abats de pluie se succèdent, les arbres bourgeonnent et des habitants labourent. Tombées des plants durant l’été, des graines de laitue germent dans les potagers, offrant même une modeste récolte.

Une décennie plus tôt, c’est plutôt la fraîcheur de la belle saison qui suscite des inquiétudes, ainsi que je le raconte dans Les tuques bleues : Le charivari de la liberté (tome 1). Le mauvais temps, accompagné de fortes pluies, provoque une crue des eaux, en particulier celles du Nord, « descendues cette année en plus grande abondance ». Le 25 mai, « l’herbe est encore jaune et ne suffit pas pour la nourriture des animaux. » Presque personne n’a semé encore; ceux qui l’ont osé ont vu leurs champs inondés. « Les places basses et particulièrement les îles sont submergées. Tous les grains semés en ces endroits ainsi que les jardinages sont perdus. » Le journaliste de La Minerve raconte que 16 000 billots de bois de pin appartenant à Barthélémy Joliette, retenus en haut de ses moulins, ont été entraînés par les courants. Les moulins mêmes auraient été infailliblement emportés, si les chaînes qui retenaient les billots ne se fussent rompues. »

D’emblée, ce printemps 1837 avait été remarquable pour une spectaculaire débâcle du fleuve Saint-Laurent. La Minerve, 17 avril 1837 : « Nos quais sont encombrés de montagnes de glace qui s’étendent depuis la place de l’ancien marché jusqu’à la brasserie de Molson, et à plusieurs arpents au large dans le fleuve. Notre port ne sera pas accessible aux vaisseaux de sitôt, à moins que la crue des eaux et un fort vent du sud-ouest ne fassent partir cette masse de glaces qui est attachée aux battures. »

Cette débâcle, catastrophique pour les installations portuaires montréalaises, semblait une sinistre répétition de l’année précédente. Deux jours plus tôt, rapporte La Minerve du 28 avril 1836, un amas de glace descendante, freiné par l’embâcle au bas de la ville, commence « à s’élever sur elle-même et à se répandre sur les quais avec une force et une rapidité étonnante. Bientôt elle s’éleva à l’égalité des édifices, et elle alla frapper contre plusieurs bâtisses qu’elle ensevelit bientôt. » Un hangar est renversé; la façade d’une voûte est abattue; une distillerie devient un monceau de ruines. « Ce qu’il y a de plus triste, c’est qu’une petite maison adjoignant la distillerie, occupée par un tonnelier du nom de White, a été aussi abimée sous les glaces. Lui, sa femme et deux enfants se trouvaient dans la maison et ils ont été les victimes de ce funeste accident. »

Une vingtaine d’années plus tôt encore, en octobre 1811, Louis-Joseph Papineau relate les dommages causés par la violence du vent. « Partout des granges culbutées, mais le plus mal est à la nouvelle église de Longueuil. Le comble et la couverture, le portail, un des pans de la nef et l'une des chapelles ont été culbutés: voilà le premier malheur; le second sera le procès qu'il occasionnera. (...) le vent n'a agi avant tant de force parce qu'ayant couvert tout le reste de l'église, les charpentiers ont eu l'inconcevable négligence de laisser une travée entière ouverte, ce qui a occasionné toute la débâcle. »


le 29 décembre 2015


Les Accoucheuses : La fierté (tome 1) : extrait
Flavie assiste à une conférence sur l’hygiène donnée par le Dr Leprohon à l’automne 1847, à l’Institut canadien de Montréal.
Au Bas-Canada, la disposition particulière du sol, de la forme d’un vaste plateau dominant de plusieurs centaines de pieds le niveau de la mer, permet au soleil d’évaporer les eaux surabondantes et malsaines, entraînant l’assainissement général de tous les points du sol. La salubrité du climat canadien, poursuit-il, est encore davantage favorisée par les grands vents qui chassent les miasmes et les émanations des grandes villes ainsi que par le mouvement de l’air au-dessus des fleuves larges et rapides, qui détermine un mouvement continu de renouvellement.

–Si le Canadien dans les campagnes jouit d’une santé si parfaite et atteint une vieillesse avancée, exempte d’une foule d’infirmités qui sévissent dans les villes, s’il jouit d’une charpente en état de lui faire supporter les travaux les plus rudes, c’est grâce au froid, à cette température glaciale qui lui inspire du goût pour le travail, qui l’engage à retremper sa vigueur physique à l’aide d’exercices violents. En somme, quelle que soit la sévérité de notre hiver, quelques bonnes que soient les raisons données pour expliquer ce phénomène, qu’il se rapporte à l’influence des montagnes qui nous adossent au pôle glacial, à l’élévation du sol canadien, à un ciel toujours pur rarement chargé de vapeurs ou encore à la direction des vents du nord au sud, traversant des mers toujours glacées, le froid n’en rend pas moins le climat salubre et délicieux, et par conséquent nous rattache davantage au pays.

(...) Se rappelant la conférence sur l’hygiène du docteur Leprohon, Flavie s’empresse d’informer son grand-père que le climat est en train de se réchauffer. Les hivers ne sont plus aussi rigoureux qu’autrefois à cause du déboisement et, lui affirme-t-elle, les changements deviennent plus sensibles chaque année. Les chaleurs de l’été sont plus constantes et les froids de l’hiver, plus modérés, entraînant des chutes de neige moins abondantes.

–Mais le docteur était bien persuadé que ces changements constituent une amélioration. Dans certaines parties trop humides du pays, les fièvres endémiques ont tendance à disparaître. D’après lui, le climat du pays exerce même une influence salutaire sur la santé générale : il provoque dans l’organisme une grande élasticité des tissus. Les extrêmes de température sont supportés sans peine et favorisent, chez le Canadien, un tempérament bilieux et nerveux, qui indique une santé robuste.

La fresque romanesque patriote d’Anne-Marie Sicotte se décline en deux cycles qui comportent deux tomes chacun. Le premier cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les chevaliers de la croix et Rue du Sang. Le second cycle, soit Les tuques bleues, comprend Le charivari de la liberté et Le règne de la canaille. Les deux cycles peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre, même si le second constitue la suite du premier, avec la même galerie de personnages et un récit qui poursuit son cours.