Le mouvement
migratoire acadien suite à la déportation de 1755 et son
impact en Bas-Canada est une réalité historique que j’ai
rencontrée à maintes reprises. Elle fait partie du
vaste lot de recherches qui abordent une situation
donnée, sans toutefois l’approfondir suffisamment
compte-tenu de l’impact tangible sur la suite des
choses. En 1713, par le traité d’Utrecht, la
Grande-Bretagne prend possession du territoire de
l’ancienne Acadie. L’intention du gouvernement de la
nouvelle mère patrie finit par briller au grand jour :
priver la population d’ascendance française, estimée à
13 000 âmes, de son droit de propriété, afin de le céder
aux colons britanniques.
La déportation est le moment le plus tragique de
l’entreprise de dépossession. Les historiens calculent à
environ 9 400 personnes le nombre d’Acadiens éloignés de
force de leur terre natale. Beaucoup sont envoyés dans
l’une ou l’autre des treize colonies anglaises, les
futurs États-Unis. C’est ainsi qu’Alexis Thibaudeau,
originaire de Pisiguit, se retrouve à Philadelphie en
compagnie de son fils de 17 ans, Simon. Chargées
d’assurer la subsistance des déportés, les autorités de
la ville les encouragent à devenir artisans, en étant
embauchés dans les ateliers où se transforme le fer,
l’étain, le bois et l’argile.
Veuf, Alexis épouse Catherine Leblanc, mère de trois
filles dont l’une convole en juste noces avec un déporté
acadien nommé Pierre Vincent. En 1766, le gouverneur du
Bas-Canada reçoit une requête signée par un grand nombre
de déportés, qui plaident pour que des terres leurs
soient concédées dans l’ancienne Nouvelle-France. Alexis
finit par recevoir une concession du côté de Nicolet;
son fils Simon, devenu apprenti-potier, suit son maître
Pierre Vincent à Québec. Moins d’une dizaine d’années
plus tard, il imite quelques concitoyens, des Leblanc,
Bourgeois, Mignault, devenus censitaires du seigneur de
Saint-Denis. Établi au bord du Richelieu, Simon fonde
une prospère dynastie, celle des artisans potiers du
bourg.
En 1790, la communauté est enrichie par l’arrivée de
Louis Bourdages, jeune notaire, fils de déportés
acadiens. Le sort de ses parents a été particulièrement
cruel. Déporté, Raymond Bourdages a abouti dans la Baie
des Chaleurs, mais deux ans plus tard, il est fait
captif par des corsaires et sa propriété a été saccagée.
Le gouvernement colonial le dépossède ensuite de ses
terres pour les donner à des Anglais. Son fils Louis
s’illustre comme député en Chambre d’Assemblée à partir
de 1805. Se déclarant le farouche ennemi des gouverneurs
Craig et Dalhousie, il n’hésite pas à se mettre en
danger… car quiconque critique l’autorité se met en
péril personnel.
Tout cela me laisse songeuse. Victimes du despotisme
militaire, les Acadiens déportés ont charrié avec eux
leur douleur et leur révolte. Les communautés qui les
ont accueillis en bon nombre, dont L’Acadie et
L’Assomption, ont engendré des patriotes aux âmes bien
trempées. Parmi les plus ferventes tuques bleues,
plusieurs descendaient de familles déportées. Leur
militantisme s’alimentait certainement à la déportation.
En Bas-Canada, l’acte ignominieux qui n’était pas
envisageable vu le nombre de Canadiens parlant français,
mais les tories de l’Exécutif local étaient caparaçonnés
pour plonger tête baissée dans l’injustice. Les déportés
le savaient mieux que quiconque.
Le 17 avril 2015
En direct du passé
Le 26 mars 1838, alors à Philadelphie, Louis-Joseph
Papineau écrit à son fils Amédée : Mon cher, tu ne
nourris que de justes sentiments de dévouement à ton
pays et de haine contre ses injustes oppresseurs. Mais
ces sentiments, quelque fondés qu’ils soient, ne
pourront jamais devenir utiles qu’autant qu’ils peuvent
être tempérés par un peu plus de sang-froid que tu n’en
montres. Le pays succombe sous des forces évidemment
trop grandes pour que de tenter une lutte trop inégale
n’eût pas pour résultat de le livrer au traitement
affreux que la même domination orgueilleuse fit jadis
éprouver aux malheureux Acadiens. Le 12 octobre
1839, alors qu’il se trouve à Paris, Louis-Joseph écrit
à un correspondant anglais qu’en Canada, l’on menace
continuellement les centaines de condamnés du sort
affreux de l’exil, tel celui des huit patriotes déportés
aux Bermudes en juillet 1838. Selon lui, cette
excessive rigueur leur sera infligée parce que c’est le
même sang qui coule dans leurs veines que celui qui
coulait dans celles des Acadiens, et que votre ministère
est aussi avancé aujourd’hui dans ses notions de justice
et de libéralité qu’il le fut alors. |
La fresque romanesque
patriote que je signe actuellement se décline en deux
cycles qui, au final, comporteront deux tomes chacun. Le
premier cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les
chevaliers de la croix et Rue du Sang; il est publié par VLB éditeur. Le second cycle aux Éditions Fides,
intitulé Les tuques bleues, s’ouvre avec Le charivari de
la liberté; le deuxième et dernier tome est à venir. Le
charivari de la liberté a été écrit de manière à se lire
indépendamment du cycle qui précède, même s’il en
constitue la suite, avec la même galerie de personnages
et un récit qui poursuit son cours. N’hésitez pas à
plonger dans l’univers du Charivari, quitte à revenir
par après au Pays insoumis, là où les personnages
principaux amorcent leur destinée tout en prenant la
mesure d’un pays souillé par l’arbitraire et le mépris
de justice.
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