Au soir du 25 janvier
1837, le soleil en train de se coucher tire les rideaux
d’une scène fabuleuse, celle d’un ciel nocturne illuminé
par une aurore boréale qui tient du prodige. Si les
Canadiens sont familiers avec une « lumière zodiacale »
de couleur argentée, celle-ci est plutôt de couleur
rouge, vive et lumineuse, « semblable à celle du fer
lorsqu’il est voisin de la chaleur blanche ». Vu dans
toute la province, le phénomène a excité « l’admiration,
l’étonnement et même la frayeur chez plusieurs, qui n’y
ont vu que de funèbres présages ».
Le journaliste s’évertue à décrire l’étendue des ondulations,
les nuances de couleurs, signalant le fait que les
étoiles se distinguent derrière les pans diaphanes de
l’aurore boréale. À six heures et demie du soir,
« l’état des couleurs augmenta, et elle se forma en une
espèce d’arc, à peu de choses près perpendiculaire à
l’horizon. L’instant d’après, la bande s’élargit vers
les extrémités, se rétrécit au centre, et présenta
l’apparence de deux pyramides qui se touchent par leur
pointes. »
Une demi-heure plus tard, « la couleur passa tout à coup du
rouge au jaune, et du jaune au blanc le plus
éblouissant ». L’aurore boréale forma alors une couronne
divisée « par larges rayons concentriques, dont les
extrémités étaient d’un vert pâle, suivi d’une légère
teinte de bleu pourpre, et qui devenaient de plus en
plus rouges en se rapprochant du centre, où l’on
remarquait une éclatante blancheur. Tous ces rayons
étaient de grandeurs inégales. Ce splendide spectacle ne
dura pas deux minutes, et les vapeurs qui formaient
alors l’aurore boréale, avaient pris une telle densité
qu’il était impossible d’apercevoir les étoiles à
travers elles. »
S’émerveillant de « la rapidité des évolutions formées par ce
splendide phénomène qui semblait, tantôt se promener
indécis dans les cieux, et tantôt s’élancer avec la
rapidité de l’éclair », le rapporteur conclut sur « le
spectacle imposant qu’il présentait lorsque semblable à
un vaste incendie dont les étoiles paraissaient être les
flammèches, il colorait de ses teintes vives,
inconstantes, les eaux et leurs glaces, de même que les
montagnes enveloppées dans leur manteau de neige. »
Les contemporains soulignent un autre fait étonnant :
quelques mois plus tôt, c'est-à-dire le 10 octobre 1836,
les Européens ont assisté à une aurore boréale du même
genre, ainsi que les journaux ont rapporté. Ce qui
permet à un journaliste de Québec d’écrire : « Ceux qui
n’avaient pas compris la méprise des habitants de
quelques villes de France doivent la comprendre
maintenant, car il est peu de personnes qui n’aient cru
d’abord qu’il venait d’éclater un vaste incendie dans
quelque partie de notre ville. »
En attendant l’explication scientifique d’un semblable
prodige météorologique, il est possible de
voir comment un témoin habitant Québec l’a
représenté. Je vous l’offre comme une carte de vœux pour
Noël et pour le Nouvel An.
Sources : Le Canadien, 27 janvier 1837,
et La Minerve, 30 janvier 1837.
Illustration : George St. Vincent Whitmore, mikan
2834647, Bibliothèque et Archives Canada.
Le 2 décembre 2014
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La fresque romanesque
patriote que je signe actuellement se décline en deux
cycles qui, au final, comporteront deux tomes chacun. Le
premier cycle, soit Le pays insoumis, comprend Les
chevaliers de la croix et Rue du Sang; il est publié par VLB éditeur. Le second cycle aux Éditions Fides,
intitulé Les tuques bleues, s’ouvre avec Le charivari de
la liberté; le deuxième et dernier tome est à venir. Le
charivari de la liberté a été écrit de manière à se lire
indépendamment du cycle qui précède, même s’il en
constitue la suite, avec la même galerie de personnages
et un récit qui poursuit son cours. N’hésitez pas à
plonger dans l’univers du Charivari, quitte à revenir
par après au Pays insoumis, là où les personnages
principaux amorcent leur destinée tout en prenant la
mesure d’un pays souillé par l’arbitraire et le mépris
de justice. |